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L’éducation populaire et les pouvoirs publics

Dans la suite du travail d'auditions mené par le Cnajep "Portrait(s) d'éducation populaire" et de l’Agorajep de 2021 qui portait sur l’élaboration d’une déclinaison sectorielle JEP de la Charte des engagements réciproques, nous avons interrogé Emmanuel Porte, Chargé d’études et de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), sur la relation de l'éducation populaire aux pouvoirs publics.


Emmanuel Porte :

"La relation entre les associations JEP et les pouvoirs publics s’inscrit dans une histoire longue. Depuis la fin du XIXème siècle, nombreuses ont été les coopérations aussi bien au niveau de l’État que des collectivités. La situation actuelle est marquée par cet héritage mais souligne également des ajustements à la faveur des mutations récentes qui ont touchées l’organisation de l’État et les vies des fédérations.

Pour tenter de faire un panorama contemporain des relations entre les pouvoirs publics et les associations et fédérations JEP, j’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur le travail de documentation réalisé par le CNAJEP à travers les vidéos 100% educpop. Ces vidéos constituent un matériau riche car elles questionnent de manière systémique les réseaux membres du CNAJEP autour de quatre grandes questions : 

- le rapport à l’éducation populaire

- la démocratie interne

- le rapport aux pouvoirs publics

- la compétence partagée “éducation populaire”"


Cnajep :

Comme l’Agorajep de 2021 portait sur l’élaboration d’une déclinaison sectorielle Jeunesse et Education Populaire de la Charte des engagements réciproques, nous t’avons demandé d’intervenir particulièrement sur la question de la relation aux pouvoirs publics.


"J’ai essayé d’isoler les éléments relatifs à l’identité JEP et aux relations avec les pouvoirs publics en étant attentif à la diversité qui compose le champ JEP : des organisations qui travaillent avec un public jeune ; des organisations qui sont composées par des jeunes ; des organisations qui mélangent les deux."

"Il est important de rappeler que la référence à l’éducation populaire n’a pas la même centralité dans l’ensemble des fédérations. À titre d’illustration, Peuple et culture revendique un projet associatif pleinement d’éducation populaire. L’Union Rempart propose de son côté d’articuler éducation populaire et sauvegarde du patrimoine. La FAGE tente d’enchâsser syndicalisme, éducation populaire et économie sociale et solidarité.


Cette diversité illustre d’ailleurs les divers horizons revendiqués par les réseaux :

  • “liberation et participation” des personnes (ATD Quart-Monde)

  • “engagement et empowerment” (AFEV) - “démarche globale et politique d’émancipation dans une optique de transformation sociale” (Francas)

  • “individus qui s’unissent pour une société plus juste, plus fraternelle et plus solidaire” (Union Rempart)

  • “comprendre le monde pour agir” (Starting Block)

  • “permettre des choses pour les plus éloignés (DIPA)” (Peuple et culture)

  • “permettre de se développer et de faire société” (IFAC)


Ces formules sont autant des marqueurs de l’identité de chacun des mouvements que des “points de contact” avec les pouvoirs publics. L’éducation populaire parle ainsi plusieurs langues."


Ceci a également un rapport avec les publics concernés, visés, associés par les projets associatifs ?


"Cela s’illustre et s’explique également par la diversité des publics destinataires des activités et des territoires d’intervention qui induisent des relations variées avec les pouvoirs publics."


"Pour autant, il est nécessaire de rappeler l’importance de penser le rapport aux publics par rapport au projet associatif et pas seulement par rapport aux dispositifs ou équipement dont telle ou telle structure peut avoir la charge.

Cela est essentiel car les projets associatifs restent vivant à condition de pouvoir intégrer une variété des types de contributions et d’engagement. Le public n’est aujourd’hui par forcément un public d’adhérents car il existe des formes de contribution plus ponctuelles ou moins organisées.

Lorsqu’on parle de diversité des publics de l’éducation populaire, il est donc important d’avoir en tête qu’il ne s’agit pas seulement d’une diversité de bénéficiaires, mais également d’une diversité de destinataires auxquels s’adressent le projet associatif.

Cela s’illustre dans le profil varié de ceux qui s’impliquent dans les associations, mais aussi dans la variété des partenaires avec lesquels l’association déploie son activité."


Les AJEP sont en relation avec une diversité de pouvoirs publics soit du fait de leur échelle d’intervention nationale ou territoriale soit en fonction des sujets (jeunesse, culture, sports,…) également.


"Concernant les relations avec les pouvoirs publics, les auditions 100% educpop permettent principalement de se concentrer sur les relations avec l’État même si les autres niveaux de politiques publiques devraient être considérés pour une vision complète."



"Lors des auditions, la relation aux pouvoirs publics a été présenté comme oscillant entre deux pôles allant de la collaboration à la critique."




Il y a une distinction à opérer entre la nature de la relation et la forme du partenariat ? La convention ne prémunit pas automatiquement d’injonctions politiques ?


"Cela dessine des caractéristique idéal/souhaité de la relation avec les pouvoirs publics :

  • Idéal de complémentarité (continuité entre l’action de l’État et des associations) : ligue (ingénierie/accompagnement)

  • Idéal de cogestion (partage de la responsabilité) : fonjep (pilotage / fonction d’opérateur)

  • Idéal de transformation (les associations comme espace de proposition pour les pouvoirs publics) : Francas (innovation / plaidoyer)

  • Idéal de compensation (amélioration des dysfonctionnements de pol pub notamment à l’échelle de la trajectoire individuelle) : ATD / AFEV (mutualisation / mise en réseau et animation)"



"Cela alimente un registre collectif de valorisation de la relation aux pouvoirs publique : La fédération d’éducation populaire apparait comme intermédiaire de l’expertise citoyenne dans la relation au pouvoir public."



"Au final, ce qui me semble intéressant et de réfléchir aux déclinaisons de tout cela au niveau local. Quelle fonction représentative est reconnue aux AJEP dans leur rapport avec les collectivités ? Si un projet associatif touche un certain public qui ne correspond pas totalement avec le public visé par la politique publique au niveau local, comment réguler la relation ? Si le travail avec le public aboutit à une interpellation des pouvoirs publics, dans quelle mesure celle-ci est traitable sans remettre en cause une relation qui est aussi utile car multi-niveaux."


Oui on voit bien comment l’idéal d’interpellation que tu évoques peut être assez vite remis en question aujourd’hui notamment avec le Contrat d’engagement républicain. Quelle possibilité de porter la parole des concerné.es quand elle questionne, or c’est bien le rôle des associations d’éducation populaire.


Ce qui apparait également dans les auditions 100% Educ pop c’est la fragilité des partenariats qui repose souvent sur de l’interpersonnel. En France, rien ne garantit de façon structurelle la place de la société civile organisée.

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